Fuite nocturne

Mets tes chaînes et crie,

Crie pour ce qui ne te retient plus

Et qui te fait oublier que tu t'épris

À qui mieux mieux d'un autre élu.

Crie mon nom comme s'il était maudit,

Comme une malédiction archaïque

Que tu répéteras jusqu'à perdre ta vie

Devant le miroir plasmatique.

Mets ton visage et hurle,

Hurle pour tous les siècles de peste

Qui t'ont enfoncé la pilule

Comme on enfonce le reste.

Cours de son lit défait,

Que je castre ses contours.

Cours et ne t'arrête jamais,

Je te rattraperai un autre jour.

Transliée

Il y a un cynisme qui ne sait perturber

Ton optimisme transcendantal.

J'ai rangé les armes des années

Pour m'oublier dans ton arsenal

Des défections du génital.

Tu t'insères en moi comme un ciel bleu

Qui s'impose sur de grises villes

Et me fait souffler les profonds aveux,

Ceux qui font craquer l'argile

Au soleil d'un corps qui s'enfile.

C'est tes cheveux, ta voix

Et comment tes hanches avancent.

C'est ta volupté, tes doigts

Qui s'épandent dans mon cœur immense.

C'est tout et rien, mais toute la différence.

Je prends tout et je le prends bien,

Ce que tu me donnes, je l'apprécie.

Un rouge désir qui devient mien

Je l'ai trop vite appris,

Tu me donnes une deuxième vie.

J'ai un silence pris dans la gorge,

J'ai de bien trop forts et profonds émois.

Je délaisse mon corps que je me forge ;

Tu sais la raison pour laquelle je suis tombée pour toi

Est celle qui fait de ton être ce qui est aussi moi.

Je suis ta féminité,

Rejetant le passé.

Mon corps, patri-arqué,

Sera enfin éliminé.

Une Saison en Enfer

Bonjour, macchabée,

L'âme effarouchée.

Que viens-tu faire

En cet enfer ?

Tu ne crois pas aux cieux,

Pas plus qu'aux rédempteurs,

Que ta seule issue est le milieu ?

À mi-chemin entre les profondeurs

Et le cosmos de son infini bleu.

Tu brûleras bien dans ces limbes.

Nul besoin d'attiser le feu,

Sa robe de béton fait de belles fringues,

Tout autant pour son métal rouilleux,

Ce ne sera pas ton corps, mais ta tête qu'on scinde.

Parce que, macchabée,

Tu étais déjà damné

Avant de mourir,

Tu commençais déjà à moisir.

On t'a coupé tes membres invisiblement,

Que tous pouvaient voir sauf toi.

On t'a refusé de vivre émotionnellement

Te blâmant d'être toujours en émoi.

Ta vie était plus Beckett que Beckett n'eut de plans.

En fait, ton divin supposé

A écrit Kafka et non Rimbaud sur ton front.

Tu as vécu pour le seul but d'être en vie.

Que feras-tu, macchabée,

L'âme maintenant délestée ?

Il te reste encore quelques secondes

Avant qu'à jamais le reste ne s'absconde.

Vieux systèmes

Le sang gèle contre la fenêtre,

Le piètre pieux est jonché au sol,

Le plafond troué en train de disparaître,

Les ustensiles encor te cajolent.

C'est une belle toile avec tes membres

Pointant toutes sortes de degrés

Dans un trois cent soixante de corps qui cambre,

Quoi ? Arrêter ? Ton sort n'est que de la pitié !

Comment fais-tu pour justifier deux mille ans

À jouer les saintes victimes perfides

Quand tu as encore le couteau sur ton flanc ?

Oh, peut-être que c'est à cause de mon homicide.

          Arrête de te plaindre.

Très brave d'insulter un bidon d'essence

Quand on est un petit vulnérable tison

Convaincu d'être trop peu pour changer la balance.

Je la connais trop bien cette répression.

Pourquoi moi ? Parce que je suis tout ce que tu n'es pas.

Une esseulée trop libérale qui a juré de brûler l'État au début de sa cavale.

On fait un deal : t'arrêtes de tuer,

En échange on fait juste exister.

Une Nuit dans l'oubli

Tu marches bien droite chérie, la tête sur les épaules.

J'ai des verres dans le nez que je peine à oublier

Pourquoi je fixe autant ta figure élancée.

Je suis seule devant tes airs moqueurs,

Et quand tu me tires par le bras,

C'est bien toi la vainqueure.

Deux-cent coups de tes mains

Sera toujours plus doux

Que deux-cent shots au vin,

Tant qu'elles finissent sur mon cou.

Je peine à comprendre ce qui se passe,

Laissée à tes desseins artistiques,

Tu m'as dans une belle impasse.

Donne-moi le coup fatidique

Que j'explose par ta violente grâce.

Tu marches bien droite, enlevant ta tête de mes jambes.

Hier est loin, mais pourtant bien présent,

Quand on a la tête en vacarme et les cuisses en sang.

Toi, tu as toujours tes airs moqueurs,

Alors que tu me détaches les bras,

Je peine à contenir mon cœur.

Et tu restes assise au bas du lit,

Pendant que je me demande encore

Si le seul mot dans ta tête c'est money

Ou te presser et affliger de nouveau mon corps.

Je suis une fille en amour par défaut,

Peu importe tes belles qualités,

Je suis aveugle à tes défauts.

Tire mes pieds,

Souffle-moi ces mots.

Tu marches bien droite, toujours sans réponse.

La Tête contorsionnée

Je suis montée beaucoup trop haut,

J'ai goûté le ciel, dopée par son goût velouté.

Je suis dominée, rendue dépendante des mots

Que j'entends dans ma chute à haute vélocité.

Les couleurs défilent dans la guerre qu'est le ciel,

Le rouge vire au profond bleu dans sa conquête,

Comme la neige qui fond dans cette kyrielle

Pour défiler sous mes pieds et retomber sur ma tête.

Monter par en-bas, descendre vers le plafond,

Ma droite fait une bien ironique gauche.

Mon âme est un taxi new-yorkais sur le béton

Qui se coltine épave après débauche.

Il y a toujours la corde, je suppose ?

Bien droite, elle m'empêchera de tomber.

Bien droite, elle s'accrochera à mon gosier.

Il y a toujours la noirceur des proses ?

Bien macabres, elles me pousseront par les pieds.

Bien hagardes, elles me couperont les pensées.

Je suis une droguée du XXIe siècle.

Dans mes pavaneries inventées,

Ma Moliéritude plutôt ridicule.

Une échafaudée des obsèques.

Dans mes amours réinventés,

Tous aussi faux dans mon biologique véhicule.

J'ai osé faire l'illégal acte,

Ma tête a menotté mon cœur.

Ça m'apprendra à signer un pacte

Dont je suis la seule auteure.

La noirceur est verte

Et je suis coincée dans une forêt d'été.