mercredi 22 décembre 2021

Miettes

Hey dear, c'est encore toi
J'ai enfin décidé que c'est aujourd'hui.
Tu sais, la dernière journée,
Celle avec rien pour la succéder.
Juste une dernière nuit
Sans baisers ni éclats.

La vie est son propre merdier,
Je préfère la tranquillité de la noirceur.
Je ne veux rien entendre,
Rien voir, rien avoir, rien à attendre.
Coupe mon souffle au détonateur,
Écrase mes doigts avec ton mortier.

Dévore-moi, comme un buffet au jour de l'an,
Qu'il ne reste rien, que des miettes et des taches
Qui montrent que j'ai existé avant le crash.
Je veux laisser mon corps dans l'océan.

Il n'y a pas assez d'années devant
Et trop derrière à haïr.
Prends-moi dans tes bras
Et emporte-moi, une dernière fois.
Je fais couler un dernier coup la cire
Sur ta chandelle noire comme le néant.

Je n'ai pas le temps pour les derniers adieux,
L'infini devant ne fait que m'attendre depuis toujours.
Je ne peux plus lui échapper,
Je ne veux plus l'ignorer.
Fais bien moisir ma carcasse laissée aux vautours,
Je viens te rejoindre dès que je prends feu.

It's been a pleasure.

jeudi 2 décembre 2021

Dans les tranchées françaises

On voyait le feu depuis Saint-Quentin,
Pendant que la compagnie soufflait ses bougies
On était toujours illuminés par le lointain.

Je me suis vidé le cœur sur le papier,
Et un peu aussi sur le plancher de l'infirmerie,
Sans savoir si la poste allait finir dans le brasier.

J'avais deux pétales en marchant vers Charleroi,
Un peu de café et une lettre inadressée
Qui parlait de mon ancien amant de Troyes.

Et me voilà, écrivant ma misère des tranchées,
Pour espérer en août revoir tes yeux doux
Et sentir contre moi ton corps musclé.

La vérité est que je troquerais le fusil,
Et l'Empire, et la Vertu, pour te sentir
Une dernière fois avant l'assaut de minuit.

J'irai libérer les prisonniers
Qui auraient pu être toi.

On célébrera peut-être quarante-cinq, hé !
Les lèvres collées sous une trinquée.
Comme Verlaine et Rimbaud opiumés.

samedi 20 novembre 2021

Nonchalante et dansant avec la Mort

Tes lèvres noires, au sourire en coin,
Tracées basses sur ton visage blanc
Me font oublier ton poing
Tenant le couteau en sang.

Quand ta tête regarde au plafond
Et que tu n'attends que le crash.
C'est ton rire devant l'explosion
Et ce que la Mort arrache.

Tu as du sang qui coule de tes ongles
Et de la fumée sortant de tes yeux.
Tu rends la soirée éternellement longue :
Douloureuse dans son plaisir fougueux.

     Extirpe ma chair et souris,
     Je ne connais plus l'Envie,
     Sacrifie mon corps à tes desseins,
     Mon âme à ton Souverain
     Fais arrêter mon passé
     Que je te regarde m'enlever.

Je suis la parfaite victime
Rendant tes plaisirs faciles.
Ta main frêle m'envenime
Posée dans mes entrailles fragiles.

Le parquet est des plus carmins,
J'emplis l'espace sous tes semelles
Qui absorbent comme un vin
Déversé de la coupelle.

     Je me sens, déversée
     Entre les lattes du plancher.
     Ris encore
     Dans le noir,
     Et bois
     Mes émois.

samedi 13 novembre 2021

Aux petites heures

Tiens-moi la main, une heure de plus,
Qu'on oublie tout le reste.
J'ai déjà oublié quelle heure il est,
Tu t'en allais remettre ta veste,
J'assume que ton pantalon au sol est un lapsus.

Regarde-moi dans les yeux,
Que je te regarde un peu mieux.
Je veux entendre ta voix casser
Quand tes yeux seront bandés.

Ce sont tes lèvres dans mon cou,
Mes cheveux qui te font frissonner.
C'est le vin et le chocolat
Qu'on goûte à chaque baiser
Qui font accélérer nos pouls.

Ton souffle accélère en cadence
Pendant que ma langue fait sa dance.
Tu perds tes sens...

Tu devrais voir le plancher,
Toi qui aime les patinoires,
Il a de quoi te faire tomber
Si tu ne te retenais pas au comptoir
Avec tes mains ligotées.

Le présent s'écoule dans le futur
Pendant que tu coules, clouée au mur.
On ne voit plus les secondes passer,
On n'entend plus tes jambes trembler.

Retiens-toi, encore une heure de plus,
Que le plaisir te fasse souffrir.
J'irai chercher ta veste
Que tu aies moins froid et te dire
De rester te faire cajoler, une heure de plus.

mardi 9 novembre 2021

Montréal passé minuit

Minuit, sous les érables éclairés de la rue Rachel,
On regardait les étoiles tomber du ciel.

Tu avais les cheveux mêlés,
J'avais la tête enivrée.
On restait en silence
Comme s'il n'y avait pas de mots
Pour dire ce qu'on pense.

Le banc refroidissait tes cuisses,
Mes mains sortaient une dévisse.
On n'avait pas besoin de verre
Pour apprécier la soirée,
Déchaussées, les pieds dans la terre.

Tu me racontais comment Rosemont
C'est pas une place pour être sur son balcon.
Je riais à t'entendre parler
À la fois parce que tu avais raison,
Mais surtout par ta voix qui m'a charmée.

Je te parlais de souvenirs de McGill,
Comment le passé avait l'air futile.
Ton regard m'a fait penser à une chanson
Que j'ai commencé à fredonner,
Tu as fermé les yeux sans faire un son.

Minuit trente, quand le dernier bus part
Et qu'on le voit s'éloigner avec ses phares.

Tu as rouvert tes paupières,
Porté ton regard vers St-Hubert.
On s'est levées à l'unisson
Sans savoir que les deux
Ne voulions pas arriver à destination.

Tu me disais que le métro
C'est mieux que le vélo.
Bien qu'il était maintenant fermé,
On souriait bêtement sur le trottoir
En se disant que ce sera plus long pour arriver.

Il y avait un écureuil sur un balcon,
Tu as fini le reste de la boisson.
On a couru dans la rue
Entre les voitures endormies
Et en disant bonjour aux statues.

Quand on a vu ton appartement,
On le cachait avec nos mains, grelottant.
Il était invisible, comment trouver l'entrée ?
Ce mystère ne serait pas élucidé
Tant qu'on continue de se regarder.

Une heure du matin, les bras en l'air,
Pendant que deux s'embrassent sous un lampadaire.